La place financière genevoise entend renforcer les critères de vérification de l’adéquation (« suitability ») et du caractère approprié (« appropriateness ») des placements proposés aux investisseurs privés par les banques et les sociétés de gestion indépendantes. Dans ce but, elle lance une « licence » à l’intention des clients privés.
On le sait, depuis l’entrée en vigueur de la LSFin en janvier 2020, les prestataires de services financiers et autres conseillers ou fournisseurs d’instruments de placement doivent s’assurer que leurs clients privés disposent de l’expérience ou des connaissances suffisantes pour comprendre les risques inhérents aux investissements qui sont effectués pour leur compte. Par ailleurs, les placements proposés doivent être appropriés à leur situation personnelle.
Malheureusement, l’évaluation du niveau de compétence des clients restait jusqu’à présent assez subjective et pouvait donner lieu à des contestations. Il est ainsi arrivé que des clients ayant subi des pertes sur des placements exigent d’être remboursés, au prétexte qu’ils n’avaient pas bien compris ni été bien informés des risques encourus.
Afin de réduire un tel risque pour les établissements de gestion et d’harmoniser les pratiques au sein de la place financière, plusieurs associations faîtières genevoises – à savoir la Fondation Genève Place Financière, le Groupe Genevois de Conformité et l’Association Genevoise des Gérants de Fortune – ont uni leurs forces pour mettre en place une « licence » à l’intention des investisseurs privés, ce qui permettrait de valider leur niveau d’expertise et donc le type d’investissement qui pourraient leur être proposés.
Le but annoncé est non seulement de protéger les consommateurs en leur évitant de prendre de mauvaises décisions de placement, mais également de réduire les risques de litige pour les établissements et d’améliorer la réputation de la place financière.
L’examen serait organisé par l’Institut Supérieur de Formation Bancaire (ISFB), sous la forme d’un test en ligne de type QCM. Des formations – également en ligne – seront également disponibles pour les clients privés souhaitant améliorer leur niveau avant de passer le test. Ces outils seront disponibles dans une douzaine de langues différentes afin d’être accessibles par une clientèle très internationale. Moyennant finances, les établissements traitant avec des pays dont la langue n’est pas prise en charge pourront demander l’ajout de langues supplémentaires.
Selon le résultat, trois niveaux de licence (Beginner, Avegage et Expert) seront octroyés aux candidats, donnant le droit d’accéder à différentes catégories d’instruments financiers. Les candidats pourront repasser l’examen une fois par année afin de tenter d’obtenir une note supérieure.
La licence obtenue fera partie de la documentation client et déterminera les placements qui pourront être proposés ou effectués. Détail important: les examens se feront sur une base anonyme, à l’aide d’identifiants uniques fournis par la banque ou la société de gestion. L’ISFB ne connaîtra donc pas l’identité des candidats.
Actuellement en phase de tests finaux, ce nouveau système sera mis en place dès septembre 2025. Les banques et sociétés de gestion auront ensuite jusqu’à la fin de l’année 2024 pour faire passer l’examen à leurs clients. Passé ce délai, les clients ne bénéficiant pas de cette licence seront considérés comme appartenant au niveau le plus faible, ce qui limitera les investissements possibles à des placements très conservateurs de type dépôts à court terme ou obligations de la Confédération.
D’autres places financières de notre pays sont intéressées à instaurer un système similaire et des pays étrangers ont également exprimé leur intérêt pour la solution genevoise. L’exception notable est Zurich, qui considère que ses clients sont d’un niveau supérieur à la moyenne et n’ont donc pas besoin d’être testés. Un représentant de l’Alliance of Zurich Wealth Managers a ainsi déclaré que cette idée était à ranger dans la catégorie des « Genfereis ».
La FINMA envisage également d’introduire cette « licence-client » au niveau national et de la rendre obligatoire. Néanmoins, un porte-parole a indiqué que cela ne pourrait pas se faire avant plusieurs années « car toutes nos ressources sont actuellement occupées à demander un renforcement de nos moyens suite à la débâcle de Credit Suisse ».
A noter que l’examen peut révéler quelques surprises et comporte plusieurs questions pièges. Ainsi, une réponse affirmative à la question « Les cryptomonnaies peuvent-elles être considérées comme des investissements raisonnables ? » conduit à un échec sans appel.